mercredi 14 avril 2010

En passant par Le Lorrain

(Turner et ses peintres)
Le Coin des Classiques

Je suis toujours un tantinet gêné, quand je lis des critiques, qu'ils soient amateurs ou professionnels, auteurs ou simples lecteurs, qualifier certains auteurs, héritiers d'une certaine forme de bande dessinée dite "classique", de "sous-Franquin", de "suiveur de Mœbius", voire de "fils caché débile de Morris" (quand ils sont vraiment en forme)...
Peut-être pensent-ils eux aussi, en fidèles suiveurs de Picasso, qu'il faille absolument "désapprendre à dessiner" pour créer une œuvre valable ?



J'entends bien que la bande dessinée ne doit pas rester figée, ne peut bégayer à l'infini, mais j'ai cependant la désagréable impression qu'à l'époque du "moi-je", reconnaître des maîtres ou se revendiquer d'une école est souvent considéré comme une tare. Et puis, tout le monde n'est pas Picasso...


Enfin, que diable ! À ses débuts, Hergé a quand même un peu regardé du côté de Saint-Ogan ; Jijé, Brüno et Tillieux se sont eux-mêmes inspirés d'Hergé ; Franquin, Will et Giraud tentaient d'imiter Jijé pendant que Morris rêvait de travailler pour Disney ; plus tard, ce fut à Hermann de marcher sur les pas de Giraud, etc. Tous sont pourtant aujourd'hui reconnus comme de grands auteurs ayant apporté leur pierre au neuvième art, non ?

Le Déclin de l'Empire Carthaginois,
J.M.W. Turner, 1817

Port de Mer avec l'Embarquement de Sainte Ursule,
Claude Gellée
dit Le Lorrain, 1641

Peut-être plus modeste et en tout cas loin de partager ces idées, Joseph Mallord William Turner pensait, lui, que choisir, regarder et copier ses maîtres, ce qu'il fit tout au long de sa carrière, n'était pas honteux mais bien au contraire indispensable, non seulement pour apprendre, mais également pour progresser et permettre de se surpasser.
Turner ne se considérait pas comme un suiveur figé, mais plutôt comme un continuateur, héritier d'une certaine tradition. Cela ne l'a pas empêché d'intégrer petit à petit toute la modernité de son époque dans sa peinture : il est même considéré aujourd'hui par certains comme un précurseur, certes involontaire, de l'impressionnisme et de l'abstraction.
Pas mal, pour un simple "suiveur", non ?

Paysage avec Jacob, Laban et ses Filles,
Claude "Le Lorrain" Gellée
, 1654

Palestrina-Composition,
J.M.W. Turner
, 1882

Les amateurs de la rubrique "déjà-vu" se délecteront certainement comme moi des toiles du peintre anglais, que le Grand Palais expose jusqu'au 24 mai 2010 aux côtés des œuvres qui les ont inspirées, de Girtin à Bonington (rien à voir avec les avions) en passant par Le Lorrain, Canaletto, Poussin, Titien, Rembrandt, Rubens, Cuyp, Van Ruisdael, Watteau, j'en passe et des meilleurs.

6 commentaires:

Julien a dit…

Excellent papier sur le grand Turner.Evidemment qu'il y a,qu'il faut un "écolage",un chemin à faire,avant de se trouver.C'est une culture que l'on soumet à ses propres mains,alors;un bete exemple pas inintéressant(euh...):Jijé avait du dépanner Hubinon le temps de quelques planches(BARBE ROUGE);cet exercice lui a permis de revoir son jugement alors hatif sur ce dessinateur un peu "raide".Il lui a trouvé,en essayant de coller au plus prés de son trait,un travail sur la matière,le bois,les tissus insoupçonné.Turner aimait se confronter à ses maitres,à ses contemporains.Et si la critique,pour encenser un gars,cessait d'en descendre un autre..?(Et Turner est un génie;na.)

Hobopok a dit…

Je pense, donc je suis.

Li-An a dit…

Ah ah, il a viré mon album. Je blaguais Totoche :-) Bien sûr que ça sent le Moeb à trois pas mon truc.

Totoche Tannenen a dit…

Avec Arno, pas de risque avec le service "réclamations".

Tired Boyington a dit…

Celle-là c'est pour bientôt (d'expo), impossible de la rater:-)
Et c'est vrai finalement que... tout le monde a copié tout le monde, y compris et surtout en arts. Comment progresser sinon, et devenir soi-même? Alors pompe, pompez, pompons, et vive l'art, la BD, les Corsair, Natacha, Franquin, Jidéhem, les trucks, la moto, Totoche, madame Totoche, tout va bien, va bien, bien, bien, ...bie...

Totoche Tannenen a dit…

Non, bien au contraire : pour tous les auteurs dont je parle, c'est tout sauf de la pompe.