dimanche 21 février 2010

Un Gars, Une Fille


C'est en 1995 que le Catalan Manel Fontdevila (Une vie de Saint enluminé par Alfonso López, édité Fluide Glacial en 1996-), alors trentenaire, entreprend de raconter sous la forme de gags en une page, sans complexe ni tabou, la vie quotidienne d'un jeune ménage constitué par Emilia, prof de gym de son état et Mauricio, livreur de pizzas à ses heures.


La Parejita, S.A. parait depuis régulièrement dans l'hebdomadaire satirique espagnol El Jueves, dont Manel Fontdevila fut un des rédac'chef, et qui serait un peu l'équivalent en France d'un mix entre Fluide glacial et L'Écho des Savanes, mâtiné d'un soupçon de Charlie Hebdo. En effet, l'équipe d'El Jueves n'a pas peur de se frotter à des sujets qui fâchent comme la politique du gouvernement, les frasques de l'E.T.A. ou bien celles de la famille royale, ce qui valut à certains de ses membres (dont M.F.) la joie de connaître des tribunaux espagnols.

Toute la finesse d'El Jueves

Bien que les tribulations des deux tourtereaux s'inspirent de la propre vie de couple de l'auteur, nombreux sont les lecteurs ibériques à se reconnaître dans ce petit brin de bonne femme portant la culotte ou dans cet ado attardé ayant une fâcheuse tendance à se laisser vivre. Il faut dire que, sans être non plus dans "l'Espagne d'en bas", les préoccupations de Mauricio sont souvent plus terre-à-terre, moins "intellectuelles", que celles de Mr Jean, notre bobo national préféré.
Plébiscitée par le public, La Parejita, S.A. aurait (je n'en suis pas certain) même été adaptée en dessin animé pour la télévision.


Hélas et à moins que je ne dise des conneries, la série n'a toujours pas franchi les Pyrénées. Le mode de vie "à l'espagnole" serait-il trop éloigné du "modèle français" pour séduire éditeurs et lecteurs francophones ?


Même s'il ne fait pas toujours dans la dentelle (il en faut bien plus pour choquer les lecteurs d'El Jueves dont la finesse n'est pas forcément non plus la spécialité...), c'est toujours avec une grande tendresse que Manel Fontdevila observe ses amoureux se débattre pour survivre dans leur milieu. Malgré l'usure du temps, le couple tient bon et Emilia et Mauricio connaitront même un heureux évènement, juste en même temps -ah ben dis donc ça alors c'est dingue- que l'auteur et sa compagne !


Ainsi, La Parejita, S.A. n'est pas qu'un fade alignement de gags-gros-nez de plus, mais bien l'occasion pour Manel Fontdevila de réaliser une véritable satire sur la société des années 1990-2000, comme il le fait en parallèle, avec une rigueur scientifique, dans ¡Para ti que es joven !, deux pages satiriques hebdomadaires co-signées avec son son compère Albert Monteys, toujours dans les pages d'El Jueves.


Même si le rapprochement que font certains avec Le Retour à la Terre de Ferri et Larcenet est bien vu, je préfère personnellement imaginer La Parejita, S.A. comme le croisement improbable, par un rédac'chef qui aurait pété les plombs, entre un family-strip pépère à la Boule et Bill et un Titeuf, plus trash.

©Manel Fontdevila/Público

Tout comme Alfonso López, l'inusable Manel Fontdevila exerce également ses talents de caricaturiste pour le journal Público. Les hispanophones peuvent lire leurs cartoons respectivement ici et .

Yellow Kid

La plupart des albums de Manel Fontdevila paraissent logiquement chez l'éditeur El Jueves.
Je ne connais malheureusement pas Súper Puta (probablement plus "ardu"), qu'édite Glénat-Espagne et dont les somptueux dessins aperçus sur la toile laissent deviner l'admiration que voue Manel Fontdevila au dessinateur français Blutch.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

La parejita, une des meilleure bd d'humour espagnole (avec Tato). Les hispanophiles devraient s'y jeter dessus ...

Totoche Tannenen a dit…

Excellente BD ! Depuis, j'ai eu la chance de tomber, ce printemps à Tenerife, sur une intégrale offerte avec El Jueves : un régal !