mercredi 24 juin 2009

Les soixante-douze vues de la Tour Eiffel


Quel que soit leur domaine de prédilection, j'ai une admiration toute particulière pour les artistes autodidactes comme Henri Rivière (1864-1951), qui finit, après avoir redécouvert leur technique, par égaler voire dépasser ses maîtres japonais, les xylographes Hokusaï et Hiroshige.
Bien qu'il fut passionné de dessin, la mère d'Henri Rivière, qui souhaitait le voir faire carrière dans le commerce, ne lui permit pas de suivre une formation artistique.
C'est grâce à son ami d'enfance, Paul Signac, et à son beau-père qu'il finit pourtant par fréquenter, en compagnie de Charles Léandre, l'atelier du peintre montmartrois Émile Bin en 1880.
Fréquentant le cabaret Le Chat Noir de Rodolphe Salis, il finit par devenir secrétaire de rédaction de la revue éponyme, ce qui lui permit d'y côtoyer ses illustrateurs. Sympathisant en particulier avec Théophile Alexandre Steinlen, il y publia ses premiers dessins avant de réaliser, toujours pour le cabaret, un théâtre d'ombres qui remporta un vif succès.

L'exposition de la BnF (Henri Rivière - Entre Impressionnisme et Japonisme) qui a lieu jusqu'au 19 juillet devrait ravir les amateurs de "ligne claire", qu'Henri Rivière a certainement héritée des deux nippons. Il est d'ailleurs amusant de comparer leurs cadrages, leur manière de traiter de la pluie, des effets de brume, de dessiner les barques de pêcheurs...


Quant aux auteurs de Bande Dessinée, c'est probablement André Juillard qui me semble avoir été le plus nettement influencé par Rivière. Non pas le Juillard de Masquerouge ou des Sept Vies de L'Épervier, mais plutôt le Juillard plus âgé, celui de Blake et Mortimer, du Cahier Bleu ou des Voyages de Léna.

Loin de s'en cacher, Juillard explique clairement dans "ses" Trente-six vues de la Tour Eiffel comment il fut impressionné par l'œuvre de Rivière qu'il découvrit sur le tard, au point de décider de lui rendre hommage : les Trente-six vues de la Tour Eiffel originales consistent en effet en un ensemble de xylographies en cinq couleurs réalisé par Rivière en 1891. Il s'agissait déjà à l'époque d'un hommage aux Trente-six vues du Mont Fuji d'Hokusaï ! Elles ne sont hélas pas toutes exposées à la BnF mais, heureux hasard du calendrier, vous pourrez néanmoins les voir en intégralité à l'exposition Gustave Eiffel, le Magicien du Fer, qui se tient à l'Hôtel de ville de Paris jusqu'au 29 août.


Il va de soit qu'on ne sera pas obligé d'aborder cette exposition uniquement sous l'angle de la "ligne claire". La beauté des couleurs m'a également émerveillé ; bien qu'ayant compris le principe de la gravure sur bois, je reste hébété devant le résultat : pour le trait, ça va, je pige à peu près, mais mon cerveau refuse toujours d'intégrer comment Rivière obtenait ces somptueux dégradés, ces cieux, ces brumes, ces lumières crépusculaires ?
Sabre de bois, si toutes les BD pouvaient être "colorisées" de la sorte !

Pour en savoir plus :
Le site "officiel" d'Henri Rivière
Le billet de Li-An sur Henri Rivière
Les liens russes du billet de Li-An (je ne vais pas m'emmerder non plus) sur Henri Rivière :
http://real-funny-lady.livejournal.com/1017816.html
http://real-funny-lady.livejournal.com/1018335.html

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